Sur les étagères les parchemins s’effritaient se mêlant à la poussière que le temps déposait sur tout le bâtiment, leur savoir fragmenté jusqu’à en être illisible, oublié. Tant de rêves, d’histoires, d'incertitudes, d’écrits dont plus personne ne pourrait tirer de leçon, dont personne ne pourrait plus s’inspirer.
L’histoire est un éternel recommencement, mais à quel stade du cycle était Auven ?
Ces terres qui avaient déjà connu une certaine forme de prospérité, il y avait tant de vies d’Hommes et de Huvars, puis elle avait périclité face au Fléau de la Corruption, risquant s’effacer, mais l’Humanité et la vie, avaient résisté et avaient repris le contrôle, toujours un peu plus, année après année, décennie après décennie, siècle après siècle. Des domaines avaient émergé puis des Baronnies, des Comtés, des Duchés. Toujours plus grands, plus organisés.
Auven n’avait pas été la seule dans ce cas, plusieurs autres terres avaient refusé de sombrer et étaient devenues les enclaves.
Mais l’on ne se débarrassait pas de ses démons ainsi, le Fléau était toujours là plus déloyal que jamais. Il avait trouvé en la Fièvre des Lucioles un vecteur discret et d’une redoutable efficacité. La Corruption ne voulait plus submerger l’Humanité par le nombre, mais la rongeait désormais de l’intérieur magnifiant ses pires aspects, le doute et la crainte.
La crainte, c’est ce qui tenait l’endroit désert, jadis cela avait été le lieu mystique de tous les espoirs maintenant, il était un inquiétant fantôme dont émergeaient des arbres. On y avait fait tant de choses au nom de la nécessité, des idéaux que les lieux étaient encore hantés. Bien des curieux qui s'en étaient approchés juraient y avoir entendu des pleurs, des cris, des rires au milieu du silence pesant.
Pourtant à la Forteresse les parchemins se délitant sur leur étagère étaient désespérément seuls et oubliés, dilapidant leur sagesse au gré des courants d’air. L’attaque du fort sacré par des hérétiques avait tout changé.
Les veilleurs étaient désormais si peu, relique d’un temps révolu. Pourtant, la Nature et son envoyé Huvara n’avaient pas laissé l’Humanité démunie, ils avaient distribué des dons tantôt précieux, tantôt étranges, venu d’ailleurs, tantôt imprévisibles pour tenter de garder en respect l’éternelle rivale.
Malgré tout, Auven s’était étendue, avait prospéré, réussissant à garder sa cohésion, à briller et prendre une place de choix auprès des autres enclaves jusqu’à en créer une nouvelle qui ne dépendait que d’elle. Jusqu’à quand cela allait durer ? Ses bases seraient elles assez solides pour tenir quoi qu’il arrive ?