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Varteja :: Y prendre part :: Recensement de la population :: Présentations validées :: Peuple | Orphale Devourage, la Cannibale | Messages : 326 Date d'inscription : 10/06/2023
Sam 10 Juin - 13:21 Orphale Devourage Maître-queux aux goûts atypiques | | Orphale Devourage Manger, avant d’être mangée. NOM : Devourage PRENOM : Orphale SURNOM : Morfale SEXE : ♀ AGE : La vingtaine passée. RANG SOCIAL : Maître queux, chez les bourgeois qui l’emploient. « Facilitatrice » pour quelques membres de guildes tueuses parce que, quand on lui confie un corps, jamais plus on ne le retrouve. LIEU DE VIE : Principalement Cleyf, même si elle peut bouger pour obtenir des contrats intéressants. Ni franchement belle, ni franchement une laideronne, la jeune femme paraît tout ce qu’il y a de plus banal. Si fait, elle ne rentre pas dans beaucoup de classe. Elle n’a rien d’atypique et on pourrait la croiser avec comme un air de déjà-vu. Plus que tout, elle passe partout. Bien nourrie sans être bedonnante, élancée sans être grande, pâle sans être farinée, l'habile cuisinière détient le don de se fondre dans la foule. Son élégance sobre de servante, sa manière de ne se vêtir de longues robes raffinées soulignant délicatement sa taille marquée l'éloigne drastiquement des filles des rues trop maquillées, engoncées dans des oripeaux criards qui ne laissent point part à l'imagination. D'ailleurs, de l'imagination il en faut pour estimer tous les charmes de son corps. Elle s'applique à les planquer pour mieux allécher le galant. Tout un stratagème. Une prude fraîcheur ni remarquable ni remarquée, ni en bien ni en mal. Voilà comment résumer le physique de cette fille du peuple. Quasi invisible, parce qu'elle appartient à ce genre d’illustres inconnues qu'on a l'impression de connaître depuis une éternité la première fois qu'on les rencontre. Son visage, encadré d'une chevelure ébène, semble familier. Pourtant, en y prêtant une réelle attention, on pourrait trouver une expression de prédateur dans ses iris sombre. De véritables pupilles pétillantes de carnivore, brunes comme du thé légèrement infusé, et cernées dans un œil de biche. Sauf que les regards se désintéressent de cette dangereuse lueur. Ils glissent souvent sur sa bouche légèrement colorée comme les boutons de roses. Et ses lèvres se fendent gracieusement en de multiples sourires adorables et presque bienveillants. Elles dévoilent un fade ivoire qui sert aussi bien à amadouer qu'à mordre. Comme ça, au premier abord, nul ne peut soupçonner le monstre qui sommeille. Orphale est une jeune femme tout ce qu'il y a de plus effacée. Officiellement, on ne reproche pas grand-chose à la demoiselle, sinon son équilibre agaçant et son naturel à approcher les plus nobles, les plus farouches et les plus instruits. Issue d’une famille de serviteurs, elle allie la modestie de ses racines, tout en ayant appris à se tenir comme la noblesse. Son port de tête est digne des filles bien nées tandis que ses mains sont toutes égrainées par le labeur des fourneaux. Un peu d'écarlate s’incruste parfois sous ses ongles soignés. La seule marque distinctive d'Orphale est l'odeur appétissante de ses casseroles qui lui colle à la peau. Déjà, dans ces effluves que l'on croirait écœurante, le génie du maître queux se goûte sans la langue. Manger, c’est la vie. Donc les cuisines sont le cœur du monde. Logique irréfutable. Ainsi, l'hiver, ce sont les pièces les plus confortables. Leurs fours réchauffent tous les étages de la société. Des lieux fréquentés, où on a plaisir à se retrouver autour d'un vin chaud et épicé ou d'une miche de pain garnie. Et c'est à cet endroit que l'on trouvera toujours quelqu'un pour nous servir. Voilà comment tomber nez à nez avec Orphale. À cause d'un petit creux, comme on dit. Rien de plus commun. Si fait, elle en a vu passer de la populace ! Des clercs, des damoiseaux, des damoiselles, des mercenaires et leurs colombes souillées... Tant de personne à s'être assis à la table préparée par ses soins et qui ont aimé son repas, ou sa compagnie. En effet, la discrète Orphale est appréciée pour sa chaleureuse présence. Elle montre le bout de son museau quand on a besoin d'elle et ne prend ses aises que lorsqu'on le lui ordonne. Ceux qui la côtoient aiment bavarder avec elle, de temps à autre. C'est une oreille attentive à qui on serait presque tenté de confier ses infidélités et ses crimes. On peut être surpris pas la conversation de la demoiselle Devourage. Les nobles y dénichent les politesses les mieux senties, les sages y découvrent un prétexte à érudition et les petites gens savent qu'elle jacasse bien des petites choses. En apparence, elle paraît franche, sincère. Preuve vivante de tempérance et de tolérance, elle adore les surprises tant qu'elles ne s'amusent pas à franchir la limite de ses obscures cachotteries. Elle accueille sans la moindre acrimonie nobles, clercs, esclaves ou truands si le maître ne lui a pas demandé de faire de distinction. Alors, comment détester ce beau sourire et ses gourmandes amabilités ? C'est vrai, elle a peu d'ennemis. Pourtant, elle n'a pas vraiment d'amis non plus. Les amis exigent du temps, des disponibilités et des attentions. Choses dont elle manque cruellement. Egoïste, elle préfèrera toujours jeter un innocent sous les roues du carrosse plutôt que devoir affronter une situation critique. En cas de problème de force majeur pas la peine de crier à l'aide, c'est toujours le même refrain ; celui du "je ne sais pas", "je n'ai rien vu" et surtout "j'étais en cuisine, vous savez". Imparable. De la même manière, elle refusera de porter secours à son prochain si elle doit risquer sa vie. Dans ce monde malade, seule la loi du plus fort existe. Et elle s’est convaincue qu’elle faisait partie du haut de la chaîne alimentaire. Assurément, on ne s'en méfie pas assez. Car, équilibriste dans l'âme, elle jongle magnifiquement avec l'humour, la rumeur et le mensonge pour manipuler ses interlocuteurs. Oh ! C'est à peine si elle joue un peu avec les consciences. Très subtile, elle oriente juste certaines réflexions qui auraient pu être dirigée autrement. Rien de bien incisif : ce n'est qu'une fille de cuisine, après tout. Seulement, elle se satisfait de ce petit pouvoir ingrat. Sans lui elle serait totalement avalée par l'anonymat. Ce voile qui n'est qu'histoire d'assaisonnement, au final : parler beaucoup des autres, très peu parler de soi, voilà la clef pour se tenir exactement entre clarté et ténèbres. Le seul mérite d'Orphale Devourage est d'être une cuisinière hors pair. Son talent met tout le monde d'accord. Il lui permet de disposer d'elle-même. Dans tous ses festins, dans toutes ses recettes, dans tous les plats qu'elle sert, on note la créativité débordante de ses présentations et l'originalité virtuose des parfums qu'elle mêle. Afin de percer au milieu des marmites, dans ce cadre où il fallait en avoir deux et bien pendantes pour trouver sa place, la jeune fille a dû effleurer la perfection. Son père lui répétait toujours qu'il ne suffisait pas d'être excellente : il fallait être deux fois meilleure que les autres. Et aujourd'hui d'aucun ne contesterait sa réussite. Mais ce n'est pas à couteaux tirés qu'elle a grimpé l'échelle de la notoriété. Concentrée, lucide et persévérante, elle a pris à contre-pieds l'arrogance de ses confrères. Depuis plus de six ans, elle élabore les plus prestigieuses tablées, guidant ses marmitons avec efficacité et calme. Il lui faut tout maîtriser, tout vérifier. Sur ce terrain-là, elle est perspicace et exigeante. Son équipe n'a pas intérêt de se tromper. Non pas qu'elle s’énervera particulièrement sur le moment, mais je ne donne pas chère de la peau de l'étourdi qui aurait confondu le potimarron et le potiron : mystérieusement il a tendance à se volatiliser dans la semaine qui suit l'incident. Oui, la cuisinière déteste les équipés incompétents, les curieux et la perturbation en général. Hypocrite, elle n'en dira pas mot, ne fera même pas la remarque mais résoudra son embarras à sa façon ... Grâce à ses liens avec les marchands, son choix de provisions est vaste. Il ouvre son champs des possibles. Et elle veille à ne jamais servir la même assiette, réfléchissant à chacune de ses compositions comme à des énigmes. À elles toutes, elles formeraient ce qu'elle considère comme son œuvre : des saveurs passées, oubliées mais furtivement uniques. C'est sûr, on ne donnerait pas sa main à couper qu'elle possède des sens fabuleusement développés. Un odorat de louve, des papilles gustatives acérées... Que sais-je ? En tout cas, pas la peine de lui refiler un vieux truc mortel ou avarié : elle le remarquerait avant même d'y avoir touché. À l'instinct, elle associe savamment les saveurs comme un peintre marie les teintes et les pigments. Et parmi toutes les denrées de toutes les contrées, elle chérit particulièrement les viandes. Et parmi toutes les venaisons, il y en a une dont elle raffole : la chair humaine. Mordiable ! Ne criez pas derechef au scandale ! à l'enfer ! à la damnation ! Mine de rien, rien de si gravissime : de tous temps, sur les champs de batailles, les soldats affamés ont goûté un morceau de leur congénère. Quoi de plus normal ? La survie dépend aussi de la volonté que l'on a à sauver sa peau. Trépasser n'est pas non plus un désastre. Le pire n'est pas de mourir. Ça non. Le plus atroce c'est d'être gâché. Pour Orphale un vivant volontairement abattu n'a pas pour vocation la putréfaction. Du coup, parfois, quand la faim lui vient, elle tue puis dépèce et désosse son gibier favori, élisant ses proies selon le plus cruel des hasards. Des fois mêmes, ce sont des organisations criminelles les lui livrent la bête pour avoir la facilité de la savoir envolée à tout jamais. Toutefois, aucun d'eux ne sait ce qu'elle en fait, tout comme son seigneur qui n'a de soupçons sur ce qu'il se trame dans l'ombre. Les seigneurs ignorent tout autant qu'il participe occasionnellement à des festivités cannibales. Vous l'aurez compris, l'amicale Orphale cache méticuleusement ses petits secrets inavouables. Derrière le sourire de la douce servante se terre un génie méphistophélique. Après tout, n’est-ce pas les petites gens les plus simples masquent la plus vile perniciosité ? Et la jeune femme tient bien plus à ses vices qu'à ses amours. Jamais on ne l'a aperçue ramenée à la petite dépendance qu’elle n’occupe ni d'hommes, ni de femmes. Ses parents sont partis tôt et elle n'a pas hérité d'un mariage arrangé. Tant mieux puisque Orphale n'est pas fondamentalement une sentimentale. Le mari, la famille, les enfants, elle remet toujours ça à une autre fois. Jusque-là, elle a su repousser les ardeurs masculines et féminines malvenues. La nuit était noire. Juste noire. Opaque, comme trempée dans l'encre des pires cauchemars. Et je m’en chiais dessus. Au sens propre, pour un résultat sale. Les fines lames de quelques écorcheurs d’une bande rivale m'avaient tellement secoué que je me sentais partir tandis qu'ils me traînaient je-ne-savais-trop-où dans la noirceur ambiante de four. Je m'étais fait choper. Ils avaient découvert ma tentative de délation de leur chef et je ne donnais plus très chère de ma peau. J'en avais bavé avec ces deux-là. La question venait de passer et je devais mourir, je le savais. Plus d'une heure à me faire arracher ongles et dents. J'avais fini par cracher le morceau. Et maintenant, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. On est arrivé à une belle demeure. Comme quoi un coquebert comme moi peut obtenir le droit de mourir sous un noble toit. Ils ont frappé à la porte de service. On a attendu. Très sérieusement j'imaginais, en tremblant, tout un tas d'horreurs. Du genre, un grand barbu pas commode avec une grosse cimeterre pendante au ceinturon. Ou alors un vieux clerc maléfique, un livre à la main pour me lancer un sort monstrueux pour mon passage vers l’au-delà. N'importe quel tourmenteur, quoi ! Or celle qui a ouvert avait un minois tout ce qu'il y a de plus rassurant. Elle s'essuyait les mains sur son tablier éclaboussé. — Ventre-Dieu ! Qu'est-ce que tu foutais Orphale ? grommela le type qui compressait fort mon bras dans sa robuste paluche. — Pardon, des choses à terminer, se justifia l'inconnue avant de me dévisager. Allez, mettez le moi au chaud, je m'en occupe. Demain on n'en parlera plus.Quoi ? C'était elle qui finissait la besogne ? Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez cette souillon ? J'allais vite le savoir. Mes matons me posèrent sur une chaise, m'entravèrent, me lièrent les poings dans le dos. Puis, elle les raccompagna à la sortie. Avant de débarrasser le plancher, un des deux types lui fit un baise main qu’elle accepta, amusée. Elle sourit, ferma la porte à double tours, et, après avoir observé quelques secondes de silence, elle me détailla. Dans ses yeux, une étincelle d’excitation malsaine me fit froid dans le dos. Puis, elle détourna le visage et s'en alla une minute. Juste le temps pour analyser l'endroit. Ce n'était pas vraiment la cuisine mais plutôt ce qu'il y a à l'arrière des fourneaux : la chaîne au-dessus de ma tête témoignait que c'était là où on étendait les bœufs après les avoir découpés. Le garde-manger, en somme. Et je me gelais les couilles au milieu de ces murs ruisselants de gelures. Le silence m'angoissait. Il avait un comme fumet de tombe. Quand elle revint elle me proposa une coupe de vin. Ça sentait bon le gingembre. Mais plutôt crever qu'avaler ce truc bourré de ciguë. Ma bouche se boucla. Par désespoir, j’essayais de la mordre. Alors, prouvant sa bonne foi, elle en bu une gorgée et me remit le verre sous le nez. Très bien, donc ce n’était pas du poison qu’elle avait pour moi. En la surveillant du coin de l’œil, je bus le verre. Et c'était l'instant le plus agréable des dernières heures de ma vie. Les précédentes je les avais passées en la compagnie de la doublette de mastards et j'avais enduré trop de supplices. Finalement, peut-être je n'allais pas mourir ? Peut-être que la petite me sortirait de là ? — Qu'est-ce qu'ils veulent que tu fasses de moi, au juste ? je grognai après la dernière gorgée. Calmement, elle posa la coupe par terre et s'assit sur le tabouret devant moi. — En vérité, ils ne savent pas ce que nous allons faire, ici et maintenant, répondit-elle rassurante. — Ah … Et qu'est ce que t'as prévu, au juste ?— Te manger.J'imagine que j'ai radicalement changé de tête. Je n'y croyais pas. Ou plutôt, je ne voulais pas y croire. Je feignais l'incompréhension. Elle avait annoncé qu'elle s'apprêtait à me dévorer comme on dit « je vais chercher du bois » ou « j’ai ramené du pain ». De but en blanc. Et devant mon expression horrifiée, elle s'enquit d'ajouter, avec une bienveillance mal placée. — Oh, ne vous inquiétez pas. Pas tout de suite. Je ne vais pas croquer dans le muscle encore chaud. Le sang a un goût de fer trop prononcé pour des papilles fragiles, je ne vous raconte pas...— BORDEL D'ENFER, C'EST QUOI CETTE BLAGUE ?! je hurlai, appelant à l'aide. QU'EST CE QUE JE FICHE ICI ! ET T'ES QUI, TOI, SOTTARDE ?Elle se jeta sur moi. Le vieux torchon qui pendait à son tablier, elle me le fourra dans la gorge. Le bâillon empestait le brûlé et la graisse, mais, même dans ce geste précipité je percevais de la douceur d’une femme habile à enjôler. Il y avait beaucoup d'agilité et de finesse dans sa façon de toucher. Et c'était d'autant plus inquiétant. Délicatement, elle mettait son doigt sur ses lèvres comme on le fait avec les enfants pour leur intimer de se taire. Je me mis à piailler tout bas, terrorisé. Elle retourna sur son tabouret. Elle se racla la gorge pour me répondre, comme si elle ne m'avait jamais brutalisé. — Qui je suis ? reprit-elle tout bas. Ça, l'ami, c'est une drôle d'énigme. Et tu sais quoi ? Puisque je vais bientôt t'égorger, je vais te raconter. Tenir palabre devant toi. Je te le dois bien, si fait. »
« Je m'appelle Orphale Devourage, fille de Bohémond Devourage. Je suis née à l'Ouest, pas loin des Terres Sauvages, dans les montagnes là où on se couvre de fourrure été comme hiver. C'est une terre minérale que la mienne, brutale et somnolente à la fois. Mon pays est tourné vers les étoiles. Ici et ailleurs les cieux sont si... hauts. On ne les touche pas en tendant les doigts. »
« J'ai été mise au monde dans l'enceinte d'une cité fortifiée à deux doigt du soleil. Au chaud. Et mes parents étaient des serfs. Mon père avait parfois la main un peu lourde et, dans mes souvenirs, ma mère détestait son mariage. En tant que nourrice du castel, elle y était souvent fourrée. Elle a toujours plus été présente pour le bébé au sang bleu que son propre nourrisson. Saches néanmoins que j’ai une enfance tout ce qu'il y a de plus normale, tu sais. Heureuse, je peux dire même. Mon père, le cuisinier des suzerains qui n'a jamais eu d'autre môme que moi, m'a élevée. J'ai connu les dures saisons noires où on maigrissait à outrance, les plaisirs simples du printemps et les journées avec du pain sur la planche. Quoi de plus commun tu me diras ? Et c'est ça qui t'affole, n'est-ce pas ? Alors on est pareil au fond : moi aussi, je me méfie de la banalité. De ses éventualités qui rampent dans notre vie, qui s'y installent et mutent en évidences. De ce que l'on est certain de savoir et que l'on ignore. De ce que l'on croit maîtriser et qui, pourtant, file comme le vent. »
« Pour tout te dire, je suis venue à l'époque où la peste était omniprésente par chez moi. Et contrairement à ce que l'on pense, dans les montagnes, la maladie s'est propagée pendant plus d'une décennie. J'ai perdu ma mère à sept ans. Et ce n'était pas le plus effroyable. Croiser les yeux des malades et espérer leur échapper : ça c'était le pis... » Elle observa un silence mesuré avant de me prendre à partie : — Dis-moi, tu as déjà vu un pestiféré ? Je haussais les épaule, incapable de lui répondre. J'avais toujours le torchon dans la bouche. Elle s'en rendit compte : — Ah oui... Peut-être que tu en as vu. Mais probablement que tu n'en as jamais vu tels que moi je les ai vu. Les corps difformes, couverts de furoncles. Ils se décomposaient avant le trépas. Et ça m'a profondément chamboulée, tous ses cadavres en devenir qui gémissaient et se tortillaient. À bout de souffle dans des enveloppes corporelles putrides. Les adultes s'y étaient habitués. Eux, ils pensaient que ça s'en irait comme un épisode de pluie. J'ai pris plus de temps parce que ça ne s'en est pas allé. Pour moi, c'était inconcevable. Quel bénéfice y avait-il à mourir si inutilement ? Qui en tirait profit ? Les dieux ? Moi, je ne voyais pas d’intérêt à la maladie. La mort, elle, a une nécessité : elle nous force à nous battre, elle nous motive à nous nourrir. Pas la maladie. Celle-là vous prend tout, jusqu'à vos soifs, jusqu'à vos faims. Tout. Absolument tout. La maladie, c'est la moisissure avant la fin, le venin avant la consommation. »
« Y vois-tu un présage ? Est-ce que c'est pour cela que je me trouve là, en face de toi aujourd'hui ? Je ne sais pas. Interprète-le comme tu voudras. »Personnellement, je n'avais pas vraiment la tête à parier sur l'avenir. Mon regard au beurre noir se baladait sur les cloisons et les fenêtres à la recherche d'issues. Nulle échappatoire. — On est d'accord : je suis comme tout le monde. Normale, affirmait-elle en l'absence de réponse, mais j'avouais avoir quelques doutes. Dès l'âge de huit ans, j'ai rejoint mon père à ses fourneaux. Je faisais la pluche. La petite main de service, en fait. Et petit à petit, j'ai mis la main à la pâte. On m'a montré l'art de sculpter les légumes, l'art de les cuire, de pétrir le pain, de doser les épices, de préparer les venaisons... Toutes ses choses. Et à cela j'aspirais. J'aimais ce qui était savoureux. L'équilibre et goût. C'est une chance d'avoir un accès au garde-manger d'un grand homme. Rien n'est assez beau pour lui. Et pour mes jeunes papilles qui ne connaissaient que le pain blanc et la soupe translucide, c'était l’apothéose. »
« Mais, des fois, mon frère de lait, Morgred, venait me contraignait à abandonner mes préparations dans l'apogée de mon apprentissage et je devais le suivre. J'étais censée le distraire. Un calvaire, je te raconte pas... Oui, je ne supportais pas son minuscule sire. Oisif, orgueilleux et démesuré, tous les devoirs devaient tout le temps converger vers sa personne. Néanmoins, je me rendais bien compte de la chance que j'avais d'être sa protégée. Alors je l'amusais quand même. Je le faisais rire. Et j'avais tout compris : le petit despote me promit la lune. »
« Quand feu mon père est mort quand j'avais quinze ans. À peine avait-on mis père en bière que le vieux Messire de Rieubrume accepta que je prenne la place de mon paternel pour garnir sa table. Morgred insista pour m'affranchir : je n'étais plus serf mais vassale. Libre de partir. Plus enchaînée à ce seul ici. Ma persévérance et ma patience triomphait. Tout ça en un jour. Il fallait encaisser. Simplement encaisser. »Elle le répétait comme si elle n’avait jamais complètement réussi à l’avaler. — Cette nuit-là je me suis réfugiée dans la cuisine du château. Je dégraissais les porcs que j'avais prévu pour mon premier service manifeste du lendemain. Et j'ai eu de la visite. »
« Morgred. Il s'est posté dans mon dos. Un sourire en coin, il m'a regardée besogner. Ma corvée le dégouttait. Pendant qu'il était là, je l'ai remercié. Je me suis pliée en maints mercis. Toute la reconnaissance de m'avoir graciée. Il ne répondait point. Il attendait autre chose. »
« C'est que nous avions le même âge. Quinze ans, l'âge des premières conquêtes, du désir et du mariage pour certains d'entre nous. J'avais trop de travail pour penser à ce genre de chose. Mais, Mordred n'avait d'esprit que pour ses jeunes faims odieuses. Et, avant de m'en rendre compte il m'avait déjà empoignée par la taille et couchée sur un sac de blé. Un nuage de fumée blanche nous tombait dans les yeux quand il a enlevé mon corset. Sauf que je ne voulais pas de ses ardeurs. Je me suis débattue. Il m'a retenue, jurant, me traitant d'ingrate. Mon ultime résistance fut d'empoigner un couteau abandonné et de le lui planter dans le cœur. »
« J'ai tué Morgred. L'acte irréparable. Je méritais la pendaison. Mais tout ce que voyais cette nuit-là, alors que n'importe qui aurait pu entrer et découvrir mon infamie, c'était le macchabée que j'avais sur les bras. Comment m'en débarrasser ? La cuisine du château ne possédait aucunes issues feutrées comme c'est le cas de celle où nous sommes. Le choix ne m’appartenait pas : la seule manière de le faire sortir, c'était dans l'assiette. Alors, toute la nuit, j'ai ouvert, j'ai vidé, j'ai désossé et dégraissé le corps de son si minime sire exactement comme je ferais avec le tiens tout à l'heure. Le jour d'après, j'ai servi ''un rôti de porc au miel'' à son noble père qui envoyait partout sa garnison dans l'espoir de retrouver son fils. Malgré les tourments qui l'agitait, il a trouvé délicieux mon repas. Le compliment était sincère : la recette m'a aussi conquise. »Elle s'arrêta une minute, se mordit la lèvre inférieure. — Plus tard, le sire – paix à son âme ! – nous a abandonné. J'en ai profité pour me faire mes bagages. On m'avait recommandée loin de Rieubrume. J'ai été embauchée dans plusieurs riches maisons, un peu partout. J'ai aussi pris la mer. Et si tu veux tout savoir, j'ai même servi une fois notre bien aimée Reine, La Sanglante. J'ai créé des liens avec des organisations secrètes, histoire de gagner du temps. Et me voilà, quelque années après tout ça, employée dans un autre château, mais réitérant encore et toujours les mêmes crimes. Elle sourit, comme si elle trouvait ça drôle. J'avais envie de vomir. Je m'agitais sur la chaise, pris par un haut-le-cœur. — Pourquoi frétilles-tu comme ça ? C'est la peur c'est ça ? La peur de la canarde ? Ne t'en fais pas. Je fais ça correctement. Ce ne sera pas si douloureux ...Elle se leva de son siège, tira sur les plis de sa robe. Une idée lui traversa l'esprit. — Mon père m'a toujours dit que l'on devait manger pour vivre et non vivre pour manger. Dans mon cas je te mangerais parce qu'il me sera donné d'être en vie. Tu vois la nuance ? On est chasseur ou on est chassé. Tu as perdu la partie. Tu es là. C'est le hasard. Navrée.Elle s'avança vers moi, ramassa la coupe qui n'avait pas bougée depuis le début de notre entretient et dans un geste vif et froid, elle m'égorgea. Malgré le temps de répit qu'elle m'avait accordé, je n'avais pas imaginé cela si prompt. Si adroit et retors. Les bergers n’abattent-ils pas leurs agneaux lorsqu'ils pioncent ferme dans le creux de leurs bras ? La viande est moins nerveuse, il paraît. La semaine d'après j'agrémentais ses assiettes. Bon appétit, mes amis. Orphale est ce qu'on appelle une hypocondriaque : le meilleur moyen de la faire fuir, c'est d'avoir le nez qui coule. Elle a une peur bleue de la maladie en générale et est effrayé par ce mal qui se propage en Auven appelé la Corruption. (Autre petite note de la joueuse : je ne tiens pas particulièrement à faire des RPQ avec ce personnage pour des raisons évidentes de psychopathies. Ne venez pas me proposer exclusivement ce type d'intrigue, sinon je mords.) Vous certifiez sur l'honneur avoir plus de 18 ans ? 26 ans. Comment vous nous avez trouvé ? Dans une autre vie, on me connaît pour mes talents équestres, disons : deuxième compte de Isabelle Menescalcir Un avis ? (Sur nous, pas sur le voisin ♪) Ne changez rien, les amis, tant que je n'ai pas fini de tout disséquer. Quel est votre smiley préféré ? Toujours et encore : <3 | |
Messages : 178 Date d'inscription : 19/05/2023
Sam 10 Juin - 15:03 | | Un nouveau personnage exceptionnel, en espérant que tu puisses t'amuser avec ta monstrueuse cuisinière ! Re-bienvenuuue. | |
Messages : 116 Date d'inscription : 11/05/2023
Sam 10 Juin - 16:05 | | Incroyable ce personnage, j'ai beaucoup aimé lire ta fiche ! Je manquerai pas de suivre ses péripéties ! :-o-: | |
Messages : 133 Date d'inscription : 25/05/2023
Sam 10 Juin - 17:05 | | Si je comprends bien, mieux vaut pas bouffer ce qu'elle fait ? | |
Messages : 326 Date d'inscription : 10/06/2023
Sam 10 Juin - 17:10 Orphale Devourage Maître-queux aux goûts atypiques | | Merci pour vos gentils commentaires ! Ça me touche ! Haphelros, gustativement parlant, tu t'y retrouverais. Moralement parlant, c'est une autre histoire. Mais il y a fort heureusement autre chose que les plats carnés (comme on voit venir une vague de végétariens en Auven, tout à coup...). | |
Messages : 13 Date d'inscription : 15/01/2019
Sam 10 Juin - 18:08 | | Rebienvenue parmi nous avec la fameuse cannibale ! On se contentera de manger des légumes quand c'est elle qui cuisine, ça vaut mieux pour tout le monde je pense :p Et c'est tout bon pour moi, je vais pouvoir te donner ta couleur ! Bon jeu | |
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