Chef de meute ou mercenaire, quelle importance ? (Terminé)

Elle était là, juste devant moi, inerte, morte. Je n'avais même pas eu l'occasion de dire un mot. Elle s'était assise en me regardant avec son petit sourire en coin, celui qu'elle ne faisait qu'à moi, celui qu'elle faisait lorsqu'elle avait une petite idée derrière la tête. Je n'avais qu'une envie, prendre sa main et lui dire à quel point je tenais a-t-elle, à quel point j'aurais pu embraser le monde ne serait-ce que pour la promesse d'un nouveau sourire. Un cri, le sifflement de flèche et voilà qu'une pointe ferrée lui traverse la tempe. Une mort rapide, sans bavure, mais injuste, terriblement injuste. Sur le coup je n'ai pas réalisé, j'ai vu la vie quitter son regard, comme la flamme d'une bougie en fin de vie.

Le temps de réaliser et il était déjà trop tard, nous étions tombés dans une embuscade, un putain de piège tendu dans lequel j'avais tête baissée comme le dernier des idiots. L'esprit et le cœur en morceau, j'ai réagi comme un idiot aveuglé par ses sentiments, je me jetais bêtement sur un cadavre dans le but de le protéger… comme s'il y avait encore quelque chose à protéger. J'ai pris sa main, crié son nom, pleuré, insulté tout ce qui avait pu voir le jour sur cette terre, mais rien ne changea, elle restait muette à mes appels. Je me suis redressé, saisissant mon bouclier et mon arme, car l'ennemi était là, tapi dans l'ombre. C'était ma meute qu'on attaquait, ma famille, celle avait qui j'avais grandi et avec laquelle je m'étais battu une bonne partie de ma vie. Cette même famille dont je voyais le nombre réduire à chaque seconde. Silence fut le deuxième à tomber, un coup de hache emporta la moitié de son visage et l'envoya tête la première dans la boue, enfin ce qu'il en restait.

J'enrageais.

Je me suis jeté sur le premier gars qui se planta devant moi, comme tous les rejetons du Souffle, il sentait la charogne, sans doute car ce fils de chienne devait se torcher avec ses mains. Il reçut la tranche de mon bouclier en travers du visage, il tomba à la renverse en grognant comme un animal blessé. Presque à cheval sur lui, j'ai frappé, encore et encore jusqu'à ce que son crâne ne soit plus qu'une bouillie infâme de laquelle ne s'échapper plus qu'un gargouillis sinistre. La rage, c'était bien la seule chose qui m'animait à ce moment-là. Suant comme un bœuf, je me suis redressé, attaquant déjà mon nouvel adversaire sans attendre. Il para mon coup d'épée et tenta une feinte sur mon flanc, une pirouette de bouffon que l'on ne voit que dans un spectacle pour cul soyeux. La pointe de ma lame se logea dans son estomac, il s'écroula en essayant tant bien que mal de retenir ses tripes qui pendaient pas la plaie béante.

C'est là que j'ai merdé, j'ai baissé ma garde, une seconde, peut-être deux, mais c'était déjà trop. Du coin de l'œil j'ai aperçu l'un de mes en difficulté, j'allais me diriger vers lui quand une énième raclure se jeta sur moi. Armé d'une masse d'arme, et il frappa en premier. Malgré le bouclier l'arme me percuta au torse. C'était comme ça tout l'air de mon corps m'avait subitement quitté, je n'arrivais plus à respirer, c'était comme être coincé sous un cheval, du bout des doigts je pouvais sentir le pommeau de mon arme. L'hérétique se jucha au-dessus de moi et s'apprêtait à m'assener le coup final, il leva son arme et je me voyais déjà mourir, la rejoindre, j'étais prêt à mourir. Mais Huavara ne semblait pas être d'accord avec cela, l'hérétique reçut un coup d'épée à la tête qui manqua dans la fendre en deux, sans un bruit, il s'écroula sur moi et ce fut le trou noir.


L'odeur de la mort, ça empestait le cadavre et le sang caillé. Je peinais à respirer, j'étais couvert de sang et de boue séchée, il m'a fallu plusieurs minutes avant de parvenir à faire rouler le corps à la tête fendue. Les premières lueurs du jour m'aveuglaient, mes poumons étaient en feu, chaque respiration était laborieuse. J'étais seul au milieu de dizaines de corps étendu, certains étaient à peine reconnaissables au vu des blessures qu'il avait subies, peut-être même que des charognards étaient venus becqueter certains d'entre eux au passage. J'ai réussi à ramper tant bien que mal, l'un après l'autre je découvrais les corps de ceux qui étaient quelques heures plus tôt mes amis, mes hommes, ma famille...

J'étais finalement parvenu à mettre à quatre pattes comme un chien, avançant lentement, car je m'essoufflais aussi vite qu'un vieillard. Même à moitié mort je n'avais qu'une idée en tête, être près d'elle, si je devais crever ça serait contre elle, pas sous le cadavre d'un de ses enculeurs de chèvres. Elle était là toujours là, le teint livide aussi froide que pouvait l'être une morte, mais ça n'avait plus d'importance à présent... Je me suis laissé tomber à côté d'elle, le regard braqué vers le ciel, attendant simplement de crever... Mais là encore, Huvara avait d'autres plans pour moi.